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Avec d autres chasseurs, depuis bientôt un an,
Près de la Saginaw, au fond du Michigan.
Et l exilée alors, que la terre délaisse,
Compte encor sur le ciel. Et malgré sa faiblesse
Et tout ce qu a d amer une déception,
Elle fait ses adieux à l humble mission.
Des guides s en allaient vers la Nouvelle-France,
Aux grands lacs. Espérant la fin de sa souffrance, 2470
Elle partit. Bien loin, dans l immense désert,
Après avoir, hélas! plus d une fois souffert
D une cruelle faim et d une soif acerbe,
Après avoir couché sous l étoile et sur l herbe,
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Elle atteignit des bois qui s adossent au Nord,
Et de la Saginaw put explorer le bord.
Un soir, elle aperçut, au fond d une ravine,
La tente du chasseur& Elle était en ruine!
Sur les ailes du temps s envolaient les saisons.
La pauvre Évangéline, aux lointains horizons, 2480
Ne voyait pas encor le bonheur apparaître.
Un profond désespoir consumait tout son être.
Sous des cieux, tour à tour ou torrides ou froids,
Elle traîna sa peine ainsi, dans cent endroits.
Tantôt on la voyait, aux missions moraves,
Priant Dieu de briser ses terrestres entraves;
Sur un champ de bataille, aux malheureux blessés,
Tantôt elle portait des secours empressés.
Elle entrait aujourd hui dans une grande ville
Et demain se cachait dans un hameau tranquille; 2490
Comme un pâle fantôme on la voyait venir,
Et souvent de sa fuite on n avait souvenir.
Quand elle commença sa course longue et vaine,
Elle était jeune et belle, et son âme était pleine
De suaves espoirs, de tendres passions;
Sa course s achevait dans les déceptions!
Elle avait bien vieilli : sa joue était fanée;
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Sa beauté s en allait. Chaque nouvelle année
Dérobait quelque charme à son regard serein,
Et creusait sur son front les rides du chagrin. 2500
On découvrait déjà, sur sa tête flétrie,
Quelques cheveux d argent, aube d une autre vie,
Aurore dont l éclat mystérieux et doux,
Nous dit qu un nouveau jour va se lever pour nous,
Comme au premier rayon dont le ciel s illumine,
Sous le voile des nuits, le matin se devine.
V
En ces lieux ravissants où, de ses flots nacrés,
La Delaware arrose et féconde les prés,
Il s élève une ville harmonieuse et fière.
Elle mire ses toits dans la grande rivière, 2510
Et garde avec amour, en son bois enchanteur,
L illustre nom de Penn, son pieux fondateur.
Là souffle un doux vent; là, de la beauté suprême
La pêche veloutée est vraiment un emblème;
Là, glorieux échos, chaque rue a sa voix
Qui répète les noms des arbres d autrefois,
Comme pour apaiser les dryades discrètes,
Dont le colon troubla les antiques retraites.
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Après avoir bercé, sur d orageuses mers,
Ses amours sans espoirs et ses chagrins amers, 2520
La vierge de Grand-Pré, la suave bannie,
Avait aimé bientôt cette rive bénie
Qui lui rappelait tant le village perdu.
Le repos succédait à son labeur ardu;
Ici dormait heureux, LeBlanc, le vieux notaire.
De ses cent petits-fils, quand il quitta la terre,
Un seul était venu s asseoir à son chevet.
Oui, c était bien ici qu enfin elle trouvait
Le plus de souvenirs de sa terre natale.
Elle aimait des Quakers l existence frugale, 2530
Et l usage charmant qu ils ont de tutoyer.
Elle voyait alors doucement chatoyer,
Dans le passé lointain, l Acadie où naguère
Les habitants heureux s aimaient comme des frères.
Maintenant que l espoir est mort, et le coeur, las,
Par un divin instinct ses pensers et ses pas
Se tournent vers la ville où l âme se recueille,
Comme vers le soleil se tourne l humble feuille,
Quand un rayon du ciel, un souffle matinal,
Dissipent le brouillard où se noyait le val. 2540
Le voyageur qui touche au sommet des montagnes
Voit surgir, à ses pieds, dans les vertes campagnes,
De longs ruisseaux d argent tout frangés de rameaux,
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Des champs et des moissons, des bois et des hameaux.
Ainsi, quand le chagrin s endormit dans son âme,
Elle vit que l amour, de sa féconde flamme,
Divinisait encor le ciel et les humains.
Elle se sentit forte, et les âpres chemins
Qu elle avait parcourus avec tant de constance,
Lui paraissaient très beaux maintenant, à distance. 2550
Cependant Gabriel n était pas oublié.
Par les premiers serments son coeur était lié,
Son tendre coeur de vierge. En sa longue agonie,
Elle voyait toujours, charmante et rajeunie,
Comme au suprême soir du dernier rendez-vous,
L image du beau gars choisi pour son époux.
Le silence, l absence, et le temps qui s envole
Mettaient au souvenir une vive auréole.
Pour elle Gabriel n avait jamais vieilli.
Non, jamais sous les ans il n avait défailli, 2560
Mais il était resté dans la vigueur de l âge,
Au matin radieux, là-bas, dans le village.
En son exil amer, sous le ciel étranger,
La douce Évangéline aimait à partager
L angoisse du chagrin, les pleurs de l indigence.
Elle savait pour tous avoir de l indulgence,
Pour tous elle priait. Sa grande charité,
Gardant toujours son charme et son intensité,
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Ressemblait à ces fleurs dont les brillants calices
Sans rien perdre jamais, pourtant, de leurs délices, 2570
Répandent dans les airs leurs suaves odeurs.
Son âme s enflammait de divines ardeurs;
Elle ne gardait plus qu une seule espérance,
Suivre Jésus partout avec persévérance,
Et, comme un holocauste, à Dieu s offrir aussi.
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